Avis de lecteurs

Hic sunt Dracones est une maison d’édition toute neuve et qui se lance avec ce premier cycle Le Roi Merveilleux dont le premier tome s’intitule Les Cheveux noirs. On ne peut qu’espérer que ce titre soit de bon augure et leur permette de naviguer en des eaux prospères.
Nicolas Rignault est un jeune auteur français, très discret qui a fait des études d’histoire de l’art et s’est lancé récemment dans l’écriture.

La geste arthurienne…

Arthur gouverne sa cour du royaume de Logres et profite d’une paix âprement gagnée. Les ennemis d’hier sont devenus des alliés et les preux chevaliers de la Table Ronde continuent à mettre leurs vertus et leur dévouement au service de la couronne. Le monde va bien et Arthur coule des jours paisibles.
Sauf que…
Sauf que la Reine Guenièvre est une nymphomane aux pulsions incontrôlables, qu’un jeune paysan nommé Perceval vient proposer à Arthur une quête étrange alors que ce dernier est plus préoccupé par les histoires de cœur de son entourage.
Et soudain tout se dérègle. L’univers d’Arthur s’effondre et laisse place à un cauchemar dramatique.

… sauce victorienne

Voilà un roman qui se dévore. Il démarre pourtant classiquement. Les descriptions s’enchaînent pour mettre en place le décor, les personnages s’expriment par de longs monologues qui relatent l’histoire et permettent de cerner les différents protagonistes. Et puis le décalage s’insinue par petites touches, à travers la description des situations, le vocabulaire employé. Ce n’est pas une geste médiévale mais une geste victorienne qui se déroule sous nos yeux. Les chevaliers ont toujours leur vertu comme bouclier et leur grandeur d’âme comme seul étendard mais les valeurs qu’ils portent ont subi l’influence du romantisme.

Un point notable de cette version de la geste arthurienne est sans doute que les véritables acteurs de l’histoire sont des actrices. Morgane, Viviane, Elaine et Guenièvre sont les protagonistes, celles par qui le scandale, l’aventure, le danger surviennent. Arthur et les autres hommes sont au mieux des faire-valoir, au pire des pantins abusés.

Il n’est pas aisé de façonner la matière de Bretagne. La geste arthurienne a déjà bénéficié de nombreux troubadours qui chantent des versions différentes depuis Chrétien de Troyes. Il est d’autant plus dur de s’y attaquer lorsque de récentes références de grande qualité sont encore dans les mémoires (Sacré Graal et Kaamelott pour ne citer qu’elles).
Et bien non seulement Nicolas Rignault relève le défi mais il mène son œuvre avec fraîcheur, talent et une évidente connaissance de l’univers arthurien.
On se laisse prendre par un début apparemment classique et puis soudain tout s’accélère et ce qui ressemblait à une sage relecture du mythe transposé devient une œuvre originale qui porte ses propres thèmes et sa mécanique interne à la fois préservée et renouvelée.
Ajoutons que le livre s’arrête d’une façon si abrupte qu’on ne peut rester que sur sa faim et qu’on attend avec impatience le deuxième tome.

Bref, ce Roi merveilleux est une réussite.

Guillaume Casabianca pour ActuSF

Le Roi merveilleux Tome 1 : Les Cheveux noirs

UGS : 9791091865005

18,00 €

Description

C’est avec Le Roi merveilleux, Les Cheveux noirs, premier volet du cycle du Roi merveilleux de Nicolas Rignault que les éditions Hic Sunt Dracones ont inauguré leur aventure littéraire en 2012.

Le Roi merveilleux n’est pas un roman de fantasy comme un autre. Nous avons du reste beaucoup hésité avant de lui attribuer un genre et nous nous y sommes résolus par commodité car notre époque aime les cases. Ainsi, l’avons-nous proclamé oeuvre de fantasy de par sa conformité toute formelle à la définition même du genre de la fantasy littéraire. Cependant, ce texte, par la transgression de codes qu’il opère, se dérobe à toute tentative de classification. D’une certaine manière, il crée son propre genre.

Son titre même semblerait indiquer des affinités avec le merveilleux ; celui de la littérature arthurienne à laquelle il emprunte personnages et motifs. Mais l’on se méprendrait à imaginer la fée Morgane, l’enchanteur Merlin ou le chevalier Perceval tels que la tradition nous les a livrés. Tout comme l’on serait bien en peine d’y retrouver l’iconographie magique ou religieuse des romans arthuriens. Ici, le merveilleux est ailleurs et la quête première n’est pas celle du Graal.

Proximité et distance par rapport à la matière de Bretagne, dont l’auteur a une connaissance intime, synthèse de motifs et de thèmes a priori incompatibles, contribuent à nous donner cette délicieuse sensation d’étrange familiarité. Un peu comme si l’on retrouvait une vieille connaissance dans un pays lointain et sauvage, une personne qui serait comme un point d’ancrage et rendrait l’étrange moins étrange. À moins qu’il ne se produise le contraire, la figure familière rendant la situation plus étrange encore.

Tel est ce premier volet du cycle Le Roi merveilleux : à la fois fidèle et iconoclaste, il acculture nos chevaliers et nos fées, transplantant, et, ce faisant, transfigurant, les symboles arthuriens, dans un univers insolite, fait du charbon de la révolution industrielle et des costumes rayés des années Trente.

Là encore, on aurait tort de limiter ce texte à une simple variation des romans de Chrétien de Troyes. Car cette matière de Bretagne malmenée, décalée, travestie, reconfigurée, respatialisée n’est sans doute que le magnifique prétexte d’une quête psycho-esthétique, d’une odyssée vers les profondeurs de l’âme humaine.